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DESIRS D'AVENIR FOURAS 17
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14 décembre 2006

Il faut s'ouvrir à penser le monde différemment

"Reconstruire l’espérance que la politique sera plus forte que toutes les autres forces qui gouvernent le monde" par Arnaud Montebourg

A. Montebourg était l’invité d’Olivier de Lagarde, sur France Info, mardi 12 décembre 2006 à 8h15.

O. de Lagarde - Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire la presse, il y a un sondage, en tout cas, qui va vous faire plaisir dans Libération : Ségolène Royal aurait la faveur des classes populaires. En même temps, qu’un candidat de gauche recueille les suffrages des plus modestes, cela peut paraître naturel. Comment expliquez-vous, tout de même, qu’au cours des vingt dernières années, ces classes populaires aient quitté votre camp pour aller voter ailleurs, notamment au Front national ?

A. Montebourg - Je crois que les choix politiques que nous avons portés sont en partie responsables de cette désertion, nous l’avons constaté avec l’élimination de Lionel Jospin, le 21 avril 2002. François Mitterrand, au premier tour de 1988, rassemblait 42 % et 43 % des ouvriers et employés ; Lionel Jospin, ne rassemblait plus que 12 % et 13 %, il y a eu 30 points de chute ! Pourquoi ? Parce que pendant toutes ces années, nous n’avons pas réfléchi nous-mêmes à la place du politique par rapport à la puissance montante de l’économie. Ce que nous demandent les Français, comme les Européens d’ailleurs, c’est que nous ayons les instruments politiques pour organiser le monde et ne pas laisser les marchés décider à notre place. C’est ce travail que notre génération aura à assumer et à affronter, dans un retournement d’ailleurs. Ce que Ségolène Royal défend depuis cette primaire, c’est le primat du politique : le politique doit être au-dessus de l’économie, de la technique, des sciences et c’est cette reconstruction qui s’annonce en France comme un élément très fort. Lorsqu’elle est allée à Porto devant les socialistes européens, elle a dit : "La Banque centrale européenne, le niveau du taux d’intérêt qui est très important pour tous les Français, pour les entrepreneurs, nous avons le devoir de le gérer politiquement par des responsables démocratiquement élus". Ce n’est pas rien comme déclaration. Cela veut dire que c’est, en quelque sorte, la révision du compromis de Maastricht et du traité de 1990. De ce point de vue là, c’est la reconstruction de l’espérance que la politique sera plus forte que toutes les autres forces qui, aujourd’hui, finalement, gouvernent le monde.

O. de Lagarde - Parlons un peu immigration, sécurité. Nicolas Sarkozy a dressé le bilan de son action, est-ce que vous lui reconnaissez quand même quelques succès en la matière ?

A. Montebourg - En matière d’immigration, les faits sont têtus, il faut les reprendre. Nous avons la chance d’avoir, depuis l’une des lois Sarkozy, un rapport annuel que le ministère de Monsieur Sarkozy, le ministère de l’Intérieur, publie chaque année sur les chiffres des premiers titres de séjour que la France accorde à des étrangers. Et nous avons les chiffres entre 1998 et 2001, c’est-à-dire quatre ans de gouvernement Jospin, plus 545.356 ; et voici les chiffres - écoutez bien - du ministère Sarkozy, entre 2002 et 2005, quatre ans de gouvernement Sarkozy : 655.149...

O. de Lagarde - Donc, la France est plus accueillante, vous devriez être heureux en tant que socialiste !

A. Montebourg - Mais je ne porte pas un jugement de valeur négatif. Je dis que ce que Monsieur Sarkozy fait en politique, c’est du théâtre. C’est-à-dire qu’il est à l’opposé des actes qui sont les siens, lorsque, d’une certaine manière, il fait son autopromotion en expliquant que la question de l’immigration est jugulée. D’ailleurs, c’est son lieutenant, Monsieur Devedjian, qui a résumé la situation ; il a dit la chose suivante - il s’interrogeait à voix haute - : "Est-ce que nous avons réussi ? Non. Est-ce qu’on peut réussir ? Non. Mais les électeurs du Front national seront obligés de reconnaître que leurs préoccupations auront été prises en compte". Ce ne sont que des apparences politiciennes et non pas des résultats concrets. Donc Monsieur Sarkozy a échoué.

O. de Lagarde - Sur l’insécurité, vous lui accordez quelques succès ? Toujours pas ?

A. Montebourg - Sur l’insécurité, là encore, ce sont les propres chiffres de Monsieur Sarkozy : nous observons plus 18 % d’augmentation des crimes et délits sur la période 2002-2005, plus 19,6 % des menaces ou chantages, plus 19,7 % des coups et blessures volontaires...

O. de Lagarde - Est-ce que ce n’est pas parce que la police fait mieux son travail et qu’elle va mieux traquer les délinquants ? Les chiffres peuvent tout dire.

A. Montebourg - Non, mais ce sont les siens, dont il se prévaut. Il nous explique que la délinquance est en baisse et il s’en prévaut, mais nous, nous disons : Monsieur Sarkozy, les vols simples dans les lieux publics ont augmenté de 18,7 %. Donc est-ce que les chiffres parlent correctement quand c’est Monsieur Sarkozy qui les emploie et à tort lorsque c’est nous qui les mettons en valeur ? Ces chiffres sont les siens, encore une fois.

O. de Lagarde - Pensez-vous que la sécurité et l’immigration seront les thèmes majeurs qui vont faire le Président ou la Présidente de la prochaine législature ?

A. Montebourg - Je crois d’abord que ce sont tous les grands oubliés de la politique des années Sarkozy, c’est-à-dire, finalement, ceux qui sont les victimes de cette augmentation concrète de la violence, malgré dix lois que Monsieur Sarkozy et les gardes des Sceaux successifs ont fait voter, dix lois dont, d’ailleurs, on a jamais évalué les effets, dont la plupart des décrets d’application ne sont jamais parus. C’est une mise en scène permanente de la politique qui utilise la peur sans régler les problèmes concrets. Monsieur Sarkozy a un bilan considérable à assumer. C’est un pays dont la violence a augmenté, c’est un pays où les Français se sont appauvris, le pays s’est désindustrialisé. Par ailleurs, les inégalités ont explosé, des cadeaux sont faits aux classes supérieures et, finalement, des efforts sont toujours réclamés pour les autres. Cela, c’est le bilan de Monsieur Sarkozy. Et lorsque celui-ci dit que ce n’est pas le sien, que c’est celui de ses amis, je veux rappeler qu’il est simplement numéro 2 du Gouvernement, président de l’UMP. Il contrôle tous les députés, il contrôle l’Assemblée nationale et le Sénat. Il a des relais considérables dans les médias et au patronat, notamment au Medef. Et il considère qu’il n’est pas responsable, même sur les sujets sur lesquels il se déclare lui-même responsable. Il n’est pas à la hauteur de ce qu’il nous avait donné à voir.

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